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[Romaric les debuts] 1

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Le feedisme... quelle drôle d'histoire. La mienne sort un peu du commun. Elle ne fait pas partie de l'Histoire, la grande, en revanche elle a marqué le début de quelque chose de profond dans le cœur de beaucoup de gens. Une libération, celle du sexe, car soyons clairs: c'est de ça qu'il est question ici. Une apothéose de sang et de feu, torride comme un contact humain effréné. Un cri unanime poussé vers le ciel, poings levés et volonté de vivre complétement hors de contrôle. Mais nous y reviendrons, commençons par le début. Le début justement...

Je m'appelle Romaric. Mes souvenirs sont flous... Ils n'ont pas vraiment de sens. Un peu comme une vieille pellicule de cinéma passée entre les mains d'un censeur fou.

Je ne me souviens que de quelques images, de quelques sensations. Un sentiment de culpabilité après un repas, une espèce de fascination pour toutes les choses... "anormalement gonflées", montgolfières, personnages de dessin animé, etc. Je n'y ai plus prêté attention. L'aspect "découverte" devenu banal, mon monde d'enfant avait une infinité de choses étranges a questionner, toucher, voir et surtout ennuyer a force de "et pourkwaaaaa?".

J'ai grandi, mentalement et physiquement. Je suis entré au collège. J'y ai vécu la scolarité de ceux qui se taisent et posent des questions: une scolarité de petit intello.

Mais tout a réellement commencé au lycée.

Premier jour de ma première S, à l'époque j'avais sauté une classe et me retrouvais donc a 15 ans dans une classe remplie de gens en ayant 17 voir 18. Les profs différents de l'an dernier. Les élèves de ma classe sont des inconnus pour la plupart, sauf quelques uns qui étaient avec moi en seconde, mais avec qui je n'ai jamais sympathisé. Faute de temps? D'envie? Ou juste par amour de la solitude? Qu'est-ce qu'on s'en fout au fond? Nous n'avions rien a nous dire.

Et vint midi. Mon sac lesté d'emploi du temps, de consignes, de règlements, je fis comme tout le monde la queue pour la cantine. Cela ne dura pas car la seule autre classe qui rentrait avec nous était celle de seconde C. Évidemment comme tout préado, j'observai les nanas de cette classe à l'époque, en me disant que j'étais plus grand, etc etc. Ce qui était ridicule puisque certains de cette classe étaient plus âgés que moi. Mais ne nous égarons pas.

Salade, Lasagnes et fromage-qui-ressemble-a-du-plastique. Repas standard quoi. Je me suis installé dans un coin où je pouvais voir a peu près tout le monde. J'avais appris a mes dépends que tourner le dos aux cons provoque des tirs de yaourt. La honte est une si bonne institutrice... Ainsi installé je pus faire le tour de la salle du regard.

Une personne retint particulièrement mon attention. Une jeune fille frêle, aux yeux sombres et cheveux châtains, habillée avec des vêtements de petite fille, mais a la bonne taille. Du moins c'est la sensation que j'eus a l'époque, même si je compris après qu'il s'agissait là d'un style a part entière. Elle mangeait dans un tupperware ce qui semblait être aussi des lasagnes. J'observai son manège un moment, picorant vaguement les reliquats de mon repas, avant de me lever et de déposer mon plateau a la plonge. A ce moment là j'ai rapidement oublié ce petit détail, ce rien du tout de la vie, ce moment furtif qu'on oublie comme l'oiseau traverse notre champ de vision. Retour aux cours.

Quelques semaines se sont encore écoulées. La jeune fille mangeait de temps en temps dans son tupperware, et toujours en cas de lasagnes. Un midi pluvieux de la fin de l'automne, je rêvassait en l'observant, me disant qu'elle devait être super difficile, et pourtant gourmande quand même. Elle releva brusquement la tête, et la tourna vers moi, comme si mon regard légèrement moqueur et plein de questions l'avait touchée. Je baissais aussitôt les yeux sur mon repas, ou plutôt sur mon assiette vide. Mais trop tard: Le mal était fait et j'étais grillé.

Entre temps vinrent s'ajouter des problèmes familiaux graves, et mon moral chut considérablement, tout comme mes notes du second trimestre. J'étais parvenu a me faire quelques amis tout de même, mais la question n'est pas là. J'avais érigé, avec le temps, une carapace. Une vraie, avec aucune prise sur un mur de silence et de dédain.

Un repli déjà, une position de défense automatique, qui entravait mes relations avec les autres. Et pas qu'un peu.

Un autre souvenir, précis celui là, peu de temps après. Pas plus d'une semaine. J'attendais a l’arrêt de bus pour rentrer chez moi. Il pleuvait, encore et encore, de ces pluies typiques qui n'ont l'air de rien mais qui vous mouillent aussi efficacement qu'un bain. Le bus tardait. J'en avais assez, j'avais froid, et le vent et la pluie m'avaient filé une violente migraine. Il y eut un vague bruit de pas, note discordante et assourdie dans ce chuintement mouillé que produit la pluie. Une vague odeur de parfum féminin indescriptible. Je me suis assis, le cœur battant a tout rompre, terrifié a l'idée de voir quelle fille s'était assise a côté de moi. J'ai jeté un regard en coin, furtivement (ou du moins c'était censé être furtif), et elle était là.

Habillée de noir, avec une veste en jean, des grosses chaussure complétement bariolées et des collants épais en laine violets. Elle mangeait une tartine de je ne sais quoi, j'entendais juste craquer, puis mâcher... Je n'ai pas bougé, littéralement tétanisé, jusqu’à ce que le bus arrive enfin. Je me suis alors levé d'un bond, avant de monter les marches du bus en quatrième vitesse. Mais l'instinct, si c'est bien lui, me fit m'asseoir du côté des vitres qui donnaient sur l’arrêt de bus. Et lorsque le bus démarra, je me suis risqué a regarder.

Elle me souriait.
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